Eglises genevoises: deux réponses à la crise

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Eglises genevoises: deux réponses à la crise

3 mars 2005
Les deux institutions chrétiennes du bout du lac ont mal à leurs finances
Pour parer à une situation similaire, catholiques et réformés ont pourtant adopté des solutions très différentes. Explications. « L’Eglise est-elle une entreprise ? » se demande La Vie protestante de Genève dans son dernier numéro du mois de mars. Pas de réponse simple puisque tout dépend, visiblement, de la définition donnée à chacun des deux termes. Ainsi, selon Yves Emery, professeur à l’Institut des hautes études en administration publique (IDHEAP), l’Eglise peut être considérée selon deux pôles complémentaires, à la fois « entreprise de service » et « organisation de vie où l’on partage des valeurs fortes ».

Comme, et peut-être plus que d’autres, l’Eglise protestante de Genève (EPG) vit une période financière difficile. Pour tenter de remettre ses comptes dans le noir, l’EPG a choisi la voie de la réorganisation de type entrepreneuriale : non seulement elle s’est résolue à la suppression d’une douzaine de postes, mais sa restructuration annoncée a de forts accents d’économie privée. Dès cet été, elle se dotera ainsi d’un « organe opérationnel » avec, à sa tête, un directeur issu du monde laïque; ainsi que d’un « organe stratégique » dont le rôle sera de contrôler que la direction a bien atteint ses objectifs. Bref, comme le signale la rédactrice de la Vie protestante, « l’Eglise s’inspire de nouvelles méthodes de management pour sortir de l’impasse ». Quant à savoir si ces nouvelles méthodes de gestion seront en adéquation avec le message de l’Evangile et la mission que l’EPG, elle demeure ouverte.

Rappeler son existence au public

Du côté des voisins catholiques, en tout cas, la volonté de renflouer les caisses à débouché sur une démarche opposée : pas de bouleversement structurel, mais une révolution en matière de communication. Dans la Cité de Calvin, personne ne doit avoir oublié les slogans chocs d’une première campagne coup-de-poing, en 2002. Toutes les affiches commençaient par une même sombre prédiction - « En 2016, il n’y aura peut-être plus de prêtres à Genève » - suivie de ses conséquences frappantes comme «...pour célébrer les enterrements. Mais c’est pas grave, à la fin du film, le héros ne meurent jamais », ou « pour célébrer les mariages. Mais c’est pas grave, votre Eglise aura de toute façon été transformée en discothèque », pouvait-on par exemple lire sur les murs et autres bus des transports publics.

Secrétaire général de l’Eglise catholique romaine (ECR), Pierre Regad le reconnaît volontiers : l’exercice était osé. « C’était le risque de la provocation, mais surtout celui de la clarté, en osant parler des besoins d’argent de notre Eglise ». Trois ans plus tard, l’ECR en est à sa quatrième campagne, consacrée cette fois à l’héritage culturel et spirituel de l’Eglise catholique romaine, avec par exemple « Non. Apocalypse ne se résume pas à un simple jeu vidéo. Nous n’avons rien à vendre, et tout à donner ». Et l’ECR ne regrette rien, bien au contraire : les 250'000 francs de frais de campagne annuelle – le budget global de chaque opération avoisinant les 600'000 francs – ont été très largement amortis. « En trois exercices, le total de nos contributions ecclésiastiques et de nos dons est passé de 4,2 à 6,7 millions de francs. Il s’agit donc d’un excellent investissement », se réjouit Pierre Regad. Le secrétaire général de l’ECR se dit convaincu que la démarche, généralement bien perçue des fidèles, aura à terme un impact favorable pour l’ensemble des communautés chrétiennes de la place. « Mettre les gens devant leurs responsabilités, en leur rappelant que nous n’existerons plus sans leur soutien, met en lumière un certain nombre de tâches et de services qui nous sont communs ». D’ailleurs, souligne-t-il, « des très nombreuses Eglises nous téléphonent pour prendre des renseignements ». Plus rapide en soloEn attendant, à Genève en tout cas, l’impact est tel que l’on voit mal les réformés copier la formule. Ces derniers déplorent donc le cavalier seul des catholiques, d’autant que les slogans sont suffisamment généraux pour pouvoir s’appliquer aux deux institutions. « Nous aurions pu faire quelque chose ensemble, sur le mode neuchâtelois où les campagnes sont communes depuis plusieurs années », souligne John Grinling.

Du côté catholique, on invoque la nécessité de faire vite : « Il existe tout de même une approche et des sensibilités différentes entre nos deux Eglises, précise Pierre Regad. Se mettre d’accord sur les images et sur les mots aurait pris trop de temps, parce que nous étions déterminés à faire vite dans le cadre du changement de perception des impôts cantonaux ». Une décision qualifiée de « regrettable » par la direction de l’EPG, qui en reste pour l’heure au système habituel de deux campagnes de relance (printemps et automne) sous forme de courriers aux personnes inscrites comme réformées (soit 62'000 adresses), sans affichage public. « Mais nous réfléchissons à plusieurs pistes, dont une professionnalisation de la recherche de fonds », explique John Grinling.