Coup de gueule contre la précarisation du travail

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Coup de gueule contre la précarisation du travail

10 mars 2005
Au moment de lancer leur traditionnelle campagne de récolte de fonds, les 4 Centres sociaux protestants romands dénoncent les méfaits d’une économie de plus en plus inhumaine
Les quatre Centres sociaux protestants (CSP) de Suisse romande s’associent pour pousser ensemble un véritable coup de gueule. « Chaque jour, nous constatons auprès de milliers d’usagers les effets dévastateurs de la dégradation des conditions de travail », souligne le responsable du CSP vaudois Gabriel de Montmollin.

Au moment de lancer leur traditionnel Appel de mars – campagne de récolte de fonds dont le slogan est cette année : « Avec 3 ronds, on fait beaucoup » - les CSP ont décidé de s’unir pour dénoncer « les options d’une économie globalisée qui écrase l’individu par une pression et une flexibilité imposées, en multipliants les formes d’emplois précaires », selon les termes de François Dubois, patron du CSP de Neuchâtel.

Avec beaucoup d’autres acteurs sociaux, les CSP romands dressent l’amer constat du nombre grandissant des exclus de la rentabilité et de la profitabilité à tout prix. « Le système économique se durcit sans cesse et engendre de plus en plus de laissés pour compte », note encore François Dubois. Dignité humaine malmenéeConflits familiaux, dépressions, troubles de santé divers, perte totale de confiance en soi : « Il y a quelque chose de pourri au royaume de la productivité et la manière dont on considère aujourd’hui le travail fragilise les notions de dignité humaine, de solidarité et de communauté. Des valeurs qui sont précisément celles que défendent les CSP », explique Gabriel de Montmollin.

Créés dans les années 60 par les Eglises, disposant désormais d’ancrages et de contacts régionaux propres, les CSP partagent au-delà de leurs différences la conviction que le travail social doit aider la personne à recouvrer dignité et autonomie. « Force est de constater que l’économie actuelle ne donne pas l’impression de chercher à favoriser la promotion d’individus libres et responsables », regrette Gabriel de Montmollin.

Et, pour reprendre un ancien slogan de l’Appel de mars, désormais personne n’est à l’abri. Pour Pierre Ammann, directeur du CSP Berne-Jura basé à Moutier, « par rapport à ce que nous constations il y une vingtaine d’années, la dégringolade est très rapide, et cela quel que soit le niveau social ». Ainsi, un salarié bénéficiant d’un salaire tout à fait confortable peut soudain se retrouver au chômage, avec une amputation brutale de ses revenus à laquelle il n’est pas du tout préparé. « Nous rencontrons des familles soudain plongées dans d’importantes difficultés lorsque le seul revenu disparaît ». L’importance des dons et legsMais la population la plus fragile demeure naturellement les immigrés, notamment parce qu’une partie d’entre eux ne dispose que d’un tissu social fragile. « Lorsqu’un problème survient, ils se trouvent très vite complètement isolés », précise Gabriel de Montmollin. Ainsi, au Centre social protestant vaudois, la moitié de la clientèle est d’origine étrangère.

De manière générale, les directeurs des CSP constatent que la question du lien social paraît fondamentale au moment où l’on se voit confronté à une période ou un événement douloureux.

Depuis leurs origines, les CSP ont à coeur la dénonciation et la réparation des injustices à travers leurs consultations sociales, juridiques, conjugales ou pour les immigrés. « Depuis quelques années, nous avons également développé des projets spécifiques pour favoriser la réinsertion dans chacune de nos régions », note Pierre Ammann. Dans le Jura bernois, par exemple, le CSP a fondé en 1994 Regenove, entreprise de réinsertion professionnelle par l’emploi et la formation basée à Tramelan. Dans le canton de Vaud, c’est Jetservice qui donne conseils et soutien aux jeunes sans emploi. Neuchâtel propose pour sa part un programme d’insertion socioprofessionnelle baptisé la Joliette ; alors que Genève offre des mesures d’insertion cantonale pour ceux qui ont épuisé leurs droits aux indemnités du chômage. Pierre Ammann : « Le point commun de ces initiatives est de permettre aux personnes concernées de mieux appréhender leur situation, puis de prendre conscience des ressources dont elles disposent pour en sortir, et de les développer ». Autant d’efforts que seule la générosité des donateurs permet de poursuivre, puisque l’essentiel de l’offre des CSP, entreprises à but non lucratif, demeure gratuite.